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Ah! Aujourd'hui! / Ah! Today!

Art action 2   -   Ah! aujourd’hui ! / Ah! Today!

Octobre et novembre  2018

La performance Ah! aujourd’hui /Ah! Today! a été réalisée à Saskatoon et ses environs à la fin de septembre et début d’octobre 2018, dans le cadre d’Art action 2, en continuité avec Art action 1 amorcé en septembre 2017. Ces performances sont liées à un vécu d’aujourd’hui, un présent qui a été progressivement modelé depuis près de 20 ans par l’accès à Internet et le développement fulgurant des médias sociaux. J’interroge icil’identité des gens en lien avec l’omniprésence de la technologie électronique, animée à la fois par ses aspects positifs et négatifs. Cette performance exige la rencontre de gens, parler et échanger avec eux au sujet de leur usage de l’électronique.

Lors de cette performance, j’utilise une activité manuelle de longue tradition, le tricot. Cette pratique répondait autrefois à des besoins vestimentaires afin de se protéger des éléments naturels et se garder au chaud. Dans le contexte de cette performance, le tricot symbolise ici un habillement intérieur, un état d’esprit. J’entremêle une jolie laine raffinée à des fils électroniques, une métaphore pour Internet qui nous lie tous les uns aux autres, un symbole de contraste et d’opposition : hier et aujourd’hui, simplicité et complexité, usage terre-à-terre d’autrefois et usage complexe d’aujourd’hui, vie concrète et abstraite, vie limitée des humains et indéfini du Web.

Les masques, aux allures diverses, représentent-ils ici des personnages variés, inconnus, fictifs? Mais non, ces apparences variées proviennent d’une seule et même personne : ils sont de moi! Ces changements extérieurs exprimés par les masques démontrent des changements intérieurs constants, propres à une même personne. On y lit une façon d’être, sujette à la métamorphose, selon le parcours personnel et mais sans perte identitaire. Ce passé/présent est donc lié au futur qui adviendra.

Ainsi, les rencontres et les matériaux utilisés dans Ah! aujourd’hui! / Ah! Today!se veulent non dogmatiques, ni empathiques, mais spontanés, imbus d’échanges et de questionnements. En dialoguant avec les participants au sujet de leur usage de la technologie électronique, je les amène à cerner leur affectation et affection envers l’ordinateur et le téléphone cellulaire. Les sujets abordés avec ces participants varient et portent sur des aspects positifs et/ou négatifs. Le questionnement positif réside autour de l’usage des outils électroniques, de l’autonomie et de l’indépendance, leurs intérêts envers leur présentation personnelle ou non, et comment ils exploitent cette technologie. Sur le plan négatif, on pénètre ce <<phénomène Internet>> où maints utilisateurs résident en eux-mêmes (they live in a loop of self). Lors de la mise en action de mes rencontres, il m’est important d’aborder ce côté négatif où réside l’absence identitaire. En tant qu’artiste, je me dois de questionner le cercle personnel et virtuel qu’ont de nombreux utilisateurs, incapables d’accéder à ce processus de façon indépendante. 

Plusieurs recherches au sujet de l’usage du téléphone intelligent et de l’égo-portrait, ou selfie, sont désormais en marche et portent principalement sur les jeunes et leurs présences/actions sur Internet. Des aspects positifs sont soulignés et des résultats négatifs sont clamés avec craintes. En voici trois exemples :
- en août 2018, un projet de recherche portant sur les médias sociaux est lancé par l'Agence de santé publique du Canada. La motivation de cette agence repose sur le suicide, considéré comme la deuxième cause de décès chez les adolescents canadiens. Les autorités espèrent repérer plus rapidement les comportements suicidaires.
 - en juillet-août 2018, une recherche internationale publiée dans Journal of Family Medecin and Primary Care, reconnait que l’égo-portrait est une forme importante d’expression de soi et maintient que la mort augmente de manière exponentielle (re : croissance rapide et continue) chez les jeunes.
- le livre récent, "iGen",de Jean Twenge, enseignante en psychologie à l'Université américaine de San Diego, traite du cocktail « téléphone intelligent/réseaux sociaux » qui façonnent les adolescents d'aujourd'hui et jeunes adultes. Selon Twenge, nos ados constituent une génération plus casanière, moins mature et plus sujette aux problèmes de santé mentale. Publié en août 2017, en anglais, le livre de Mme Twenge est aussi paru en français en septembre 2018 sous le titre : Génération Internet - Comment les écrans rendent nos ados immatures et déprimés.

Dans ce contexte, mes performances se veulent des moments d’interrogation et d’ébauche de problématiques d’aujourd’hui. L’œuvre éphémère, Ah! Aujourd’hui! / Ah Today!,s’allie au présent d’aujourd’hui où tout va vite, où le temps est précieux et compté. Le tricot illustre un phénomène en construction et dont la progression est  indéterminée, inexorable. Mes questionnements sont parfois légers, parfois engagés, parfois perturbants et contradictoires, mais ils laissent des marques chez les participants. L’identité individuelle actuelle se doit de dépasser la présence des sites Internet, de demeurer claire et nette, indépendante, authentique, sans dépendre de l’ingérence mercantile du Web et des grands courants.

Le projet se poursuit …

RÉFÉRENCES :
-- www.lapresse.ca/actualites/national/201808/30/01-5194736-un-projet-pour-detecter-les-comportements-suicidaires-sur-les-medias-sociaux.php

-- J Family Med Prim Care. 2018 Jul-Aug; 7(4): 828–831.
Journal of Family Medecin and Primary Care
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6131996/?ncid=newsltushpmgnews__TheMorningEmail__041018
- Twenge, Jean; iGen, Atria Book, 2017
- Twenge, Jean; Génération Internet - Comment les écrans rendent nos ados immatures et déprimés, Mardaga, 2018